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Le Syndrome d’EHLERS-DANLOS

Par le docteur Norbert Kurland

Le Syndrome (ou maladie) d’Ehlers-Danlos est l’expression clinique d’une atteinte du tissu conjonctif (80% environ des constituants d’un corps humain), d’origine génétique, touchant la quasi-totalité des organes, ce qui explique la richesse de sa symptomatologie. Si elle est connue pour être une maladie rare, orpheline, c’est parce qu’elle est rarement diagnostiquée. Le nombre de cas existants est sûrement sous-estimé.

Syndrome d’Elhers-Danlos et fibromyalgie

Ce qui justifie sa description dans un site consacré à la fibromyalgie, c’est que la fibromyalgie présente des similitudes de symptômes avec le syndrome d’Ehlers-Danlos: douleurs diffuses et variables résistant souvent aux antalgiques, fatigue, troubles gastro-intestinaux, migraines, hyperréactivité aux stimulations (auditives et autres), troubles de ma mémoire et de l’attention. On note aussi la prédominance largement féminine, l’influence des facteurs climatiques, l’existence d’un contexte familial.

Les rhumatologues, qui s’occupent particulièrement du syndrome de la fibromyalgie, n’évoquent pas en premier le syndrome d’Ehlers-Danlos devant une femme qui consulte pour des douleurs diffuses et de la fatigue. Il est impossible de diagnostiquer ce à quoi on ne pense pas, d’autant que le syndrome d’Ehlers-Danlos est une pathologie bien plus rare par rapport à la fibromyalgie, entité très médiatisée, dont le nombre de patients atteints à travers le monde se comptent par millions. Les ressemblances de la symptomatologie devraient inciter à toujours vérifier s’il ne s’agit pas, en fait, d’un syndrome authentique d’Ehlers-Danlos. J’ai personnellement mis en évidence d’authentiques syndromes d’Ehlers-Danlos chez des personnes qui me consultaient porteurs du diagnostic de fibromyalgie.

En vérité, le rattachement des nombreuses manifestations cliniques du syndrome d’Ehlers-Danlos à diverses pathologies différentes est à l’origine de bien des erreurs et à de longues errances diagnostiques. Certains patients ont été traités, et parfois simultanément, pour 4 ou 5 maladies différentes du fait de symptômes qui sont tous liés, en fait, à une même cause: Ehlers-Danlos. L’échec des traitements, la persistance des symptômes dont l’intensité contraste avec la négativité des tests biologiques et d’imagerie (IRM articulaires surtout) conduit habituellement à une psychiatrisation abusive. Pour beaucoup, les patients s’entendent dire ou suggérer que « c’est dans leur tête », ou sont stigmatisés comme hypochondriaques. Souvent cela est également le lot des malades souffrant de fibromyalgie.

Pour finir avec la comparaison avec la fibromyalgie, l’examen clinique dans les deux syndromes retrouve à la palpation des douleurs sensiblement aux mêmes localisations (tender points). Non informés des manifestations cliniques évocatrices et souvent dominantes du syndrome d’Ehlers-Danlos, mais parfois variables avec le temps, le syndrome d’Ehlers-Danlos passera, à tort, pour une authentique fibromyalgie.

Historique

La description initiale est le fait de deux dermatologues, Edvards Elhers à Copenhage, en 1900, et Alexandre Danlos, à Paris, en 1908. De ces premières descriptions, initialement dominées par les signes cutanés, les médecins ont retenu la présence d’une peau fragile, étirable et hémorragique d’une part et d’une mobilité articulaire excessive d’autre part.

Curiosité de la nature

Personne dans un public face aux exhibitions d’un contorsionniste, à des degrés divers, dont certains peuvent s’introduire en entier dans une petite boite, ou témoin d’un artiste qui se montre dans les foires le visage recouvert de la peau de son cou, ne se doute que cette curiosité relève du syndrome d’Elhers-Danlos. Mais la majorité des cas n’est aussi démonstrative. La majorité des formes a une symptomatologie modérée alors que dans d’autres cas le syndrome d’Elhers-Danlos apparait comme une maladie qui peut être, à certains moments de la vie, très handicapante. Elle est alors à l’origine de souffrances importantes et d’exclusions sociales.

Quand on demande à un médecin s’il connait le syndrome d’Ehlers-Danlos, le plus souvent il fait répéter le nom qu’il ne connait pas du fait de sa consonance insolite. Parfois, il dit « ah oui! l’hypermobilité des contorsionnistes! ». L’impression générale qui ressort, jusqu’à maintenant, à l’écoute du discours médical, c’est la notion de bénignité de cette entité clinique, plutôt perçue par les médecins comme une curiosité de la Nature sans grande conséquences fonctionnelles, alors qu’il s’agit d’un état pathologique qui peut être lourdement handicapant.

Caractère génétique

Le caractère génétique du syndrome d’Ehlers-Danlos est un des arguments majeurs du diagnostic: la découverte de cas familiaux identiques dans la famille. La transmission est autosomique et donc indépendante du sexe, ce qui implique que les deux sexes sont concernés, avec cependant une nette prédominance féminine (82%).

La prédominance féminine sur le plan symptomatique s’accompagne aussi d’une plus grande sévérité des symptômes comparativement aux hommes. Le facteur hormonal est probablement en cause, expliquant la majoration des symptômes à la puberté et après un accouchement, alors que les grossesses et l’allaitement peuvent s’accompagner d’une sédation importante des manifestations cliniques.

Le mode de transmission génétique autosomique dominant fait que le risque de contracter le syndrome est d’un enfant sur deux. Cette constatation doit être modulée par le fait que le niveau symptomatique est très diversifié ainsi que les conséquences fonctionnelles.

Il n’est pas exceptionnel que le père et la mère d’un enfant avec un syndrome d’Ehlers-Danlos soient tous les deux porteurs du gène, sans conséquence apparente sur la sévérité clinique. L’un ou l’autre peut transmettre la maladie sans le savoir.

Fréquence

1 cas pour 5000 à 10 000 naissances selon les estimations actuelles qui négligent probablement beaucoup de formes non diagnostiquées. Donc ce chiffre apparait comme étant très en deçà de la réalité. Déjà, Achille Miguet, en 1933, dans sa thèse remarquable soutenue à la Faculté de Médecine de Paris, avait fait cette remarque prémonitoire: « Les cas typiques sont rares, rareté qui tient peut-être à la méconnaissance de cette affection ».

Diagnostic

La symptomatologie qui conduit au diagnostic est uniquement clinique, basée sur l’écoute du patient et de sa famille, l’examen clinique de la peau et des articulations. Il n’y a pas de test génétique disponible, ni de test biologique ou histologique fiable et spécifique. L’imagerie articulaire n’est d’aucune aide au diagnostic si ce n’est par sa négativité.

Non seulement la nature et le groupement des symptômes rencontrés chez ces patients ne sont pas identifiés par les médecins mais, de surcroît s’ajoute l’incompréhension parfois accusatrice de l’entourage. Tout ceci contribue à isoler, à culpabiliser, ces patients qui ne comprennent plus ce qui leur arrive. Ceci est encore aggravé par le fait de percevoir leur propre corps différemment depuis leur naissance et de manquer de références entre ce que la médecine définit comme un état normal ou un état pathologique. Il en résulte une très grande sous-estimation des souffrances et de l’état fonctionnel réel.

Dans la symptomatologie très diversifiées et variable de cette maladie, l’absence d’un signe, fréquente pour l’étirabilité, plus rare pour l’hypermobilité, conduit encore très souvent des médecins, mal informés, à éliminer un diagnostic, pourtant évident par ailleurs.

Délai entre l’arrivée de signes évocateurs et le moment du diagnostic

Le diagnostic est trop souvent tardif. Dans la pratique, 21 ans en moyenne chez les femmes, 15 ans chez les hommes, entre l’arrivée de signes évocateurs et le moment du diagnostic, souvent précédé d’orientations thérapeutiques inappropriées médicales et chirurgicales dont l’échec pourrait être révélateur. Ainsi, les personnes avec un syndrome d’Elhers-Danlos sont longtemps victimes de comportements thérapeutiques inappropriés qui les aggravent: kinésithérapies agressives, chirurgies orthopédiques ou digestives inutiles, manipulations ostéopathiques du cou dévastatrices par lésions des artères vertébrales, sans oublier les accusations injustifiées et stigmatisantes de simulation ou de désordres psychiques. Ailleurs, ce sont les parents ou les époux qui sont accusés de maltraitance, devant l’importance des ecchymoses et des hématomes.

Les trois formes

Actuellement, dans la pratique courante, on retient trois formes chez lesquelles on retrouve des manifestations identiques mais d’intensité d’expression variable (les deux premières sont de loin les plus souvent rencontrées):

  • La forme dite « classique » qui est caractérisée par l’intensité des manifestations cutanées;
  • La forme « hypermobilé », caractérisée par l’importance des manifestations articulaires;
  • La forme « vasculaire », caractérisée par l’importance des manifestations artérielles, intestinales et utérines. Elle a la réputation d’être plus sévère que les autres par la gravité des complications vasculaires, intestinales et utérines qui peuvent émailler son évolution.

Les signes (sur 644 patients)

Sources: étude statistique sur 644 patients avec un syndrome d’Ehlers-Danlos, effectuée avec la collaboration du service d’épidémiologie clinique du Professeur Philippe Raynaud, à l’Hôtel-Dieu de Paris, présentée au premier Symposium international sur le syndrome d’Ehlers-Danlos les 6-9 septembre 2012 à Gand (Belgique)

Les douleurs (tout le corps est douloureux), variables et rebelles aux médications antalgiques: articulaires et péri-articulaires (98%), musculaires (82%), abdominales (77%), thoraciques (71%), génitales (75%), migraines (84%); hyperesthésie cutanée (39%). Les douleurs articulaires sont les plus fréquentes. Les femmes souffrent plus que les hommes.

La fatigue (96%), y compris les troubles du sommeil.

Les troubles de la proprioception (heurts d’obstacles, chutes et lâchage d’objets), troubles du schéma corporel et du contrôle du mouvement: pseudo-entorses (86%), luxations et subluxations (90%).

L’hypermobilité (97%)

Les altérations de la peau: minceur (91%), fragilité cutanée (87%), vergetures (64%), retard de cicatrisation (85%).

Les saignements (92%), ecchymoses surtout, saignement de nez, métrorragies, gingivorragies, plaies hémorragiques.

Manifestations digestives: reflux gastro-œsophagien (80%), constipation (74%), ballonnements (70%).

Tous ces signes sont les plus évocateurs et permettent à eux seuls d’étayer fermement le diagnostic. Il est relativement facile s’il est orienté par la connaissance d’un ou plusieurs autres cas dans la famille. Ce caractère familial (97%) inclut les formes frustes, incomplètes ou partielles.

Un de ces signes peut manquer sans pour autant éliminer le diagnostic. En effet, les formes incomplètes (ou à expression clinique limitée) sont très fréquentes. Elles prennent cependant toute leur signification lorsqu’elles coexistent avec une forme plus complète dans la même famille.

Un bon nombre d’autres manifestations existent. Par leur regroupement elles viennent renforcer la conviction diagnostique mais surtout elles doivent être regroupées dans le syndrome pour éviter des errances inutiles et des rejets médicaux toujours traumatisants:

Manifestations respiratoires: dyspnée et essoufflement (85%); blocages respiratoires et pseudo asthme (65%).

Manifestations bucco-dentaires: articulation temporo-maxillaires (douleurs, blocages, luxation) (76%), altérations dentaires (fragilité, orthodontie) (71%), altérations des gencives (fragilité, douleurs, sécheresse) (80%).

Manifestations ORL: hyperacousie (89%), hypoacousie (voire surdité) (57%), acouphènes (69%), hyperosmie (69%), vertiges positionnels (déclanchement lors d’un mouvement de la tête) (80%).

Manifestations ophtalmologiques: fatigue visuelle (86%), myopie (56%).

Manifestations gynécologiques et obstétricales: règles abondantes (78%), accouchements difficiles (78%).

Manifestations neurovégétatives et thermorégulation: frilosité (77%), sudations abondantes (74%), pseudo syndrome de Raynaud (74%), fièvres inexpliquées (52%), accélérations du rythme cardiaque (66%), palpitations cardiaques (51%).

Manifestations vésico-sphinctériennes: diminution du besoin d’uriner (non perception de la distension vésicale qui permet de rester des heures, voire une journée sans ressentir le besoin d’uriner, voire du besoin d’exonérer ses selles (51%), pollakiurie, incontinence, dysurie (63%).

Manifestations cognitives: altération de la mémoire (69%), troubles attentionnels (67%), difficultés de concentration (65%), altérations des fonctions exécutives (38%), troubles de l’orientation spatiale (44%).

Les douleurs dans le syndrome d’Ehlers-Danlos

Elles représentent l’un des symptômes les plus fréquents (89,7%) et handicapants avec la fatigue (89;4%). Elles sont diffuses, intéressant toutes les parties du corps. Elles siègent principalement autour des articulations: épaules, poignets et doigts, coudes, hanches, genoux, chevilles et pieds, mais aussi au niveau du cou, du dos, du bassin. La peau, elle-même, est souvent hyperalgique, supportant difficilement le contact et réagissant de façon excessive ainsi que le système ostéo-articulaire à des traumatismes directes ou indirectes.

La douleur peut prédominer sur les tendons, réalisant d’authentiques tableaux de tendinites résistant souvent aux traitements locaux par infiltrations.

Les douleurs sont aussi liées à l’hypermobilité, chaque subluxation étant perçue comme particulièrement douloureuse et de façon durable.

Elles n’épargnent pas les muscles et peuvent prendre l’aspect de crampes particulièrement pénibles, surtout nocturnes, parfois associées à des secousses musculaires douloureuses incontrôlables allant jusqu’à réaliser des tableaux de jambes sans repos. Certaines « crises musculaires » sont impressionnantes, survenant par périodes s’étalant parfois sur plusieurs jours, associées à des états de grandes limitations fonctionnelles très handicapantes. Elles peuvent intéresser les extrémités des membres associées à des troubles vasomoteurs avec une sensation pénible d’extrémités glacées.

Ailleurs, ce sont des fourmillements diffus, des sensations de brûlure ou de décharges électriques.

Ailleurs, c’est le maintien d’une activité continue et prolongée (écriture, utilisation de l’ordinateur…) qui engendre la douleur. Dans tous les cas une caractéristique est la « rémanence » de la douleur qui persiste longtemps après le facteur causal (plusieurs jours parfois). Le déclanchement des premières manifestations douloureuses ou l’aggravation importante et durable du syndrome douloureux après un accident de la voie publique a été observé.

Douleurs cutanées des membres, du cou, du dos pouvant être très intenses, augmentées par les appuis, les mouvements, imposant des changements de position, des étirements fréquents, difficiles à calmer par les antalgiques même puissants. On parle d’une « impatience douloureuse » par impossibilité de rester dans la même position et la nécessité de bouger sur sa chaise par exemple ou même de s’y asseoir en adoptant des postures antalgiques plus inspirées du Yoga que de la « bonne tenue » que l’on exige habituellement des élèves. Elles conduisent donc souvent à prendre des positions extravagantes d’étirement et d’amplitudes extrêmes des membres ou du dos dans un but antalgique. Les enseignants doivent être informés pour ne pas accuser les enfants d’être turbulents.

Le corps étant hyper-réactif à la douleur, les effleurements, les chocs par inadvertance sont une souffrance, marcher est douloureux.

Cet excès des réactions sensorielles existe à d’autres niveau: auditif avec une sensibilité auditive exacerbée (« oreille absolue » chez une musicienne) ou excessive (intolérance au bruit, acouphènes très fréquents). Hyper sensibilité olfactive également. Pour certains, leur odorat leur permet de détecter une fuite de gaz à une grande distance, d’autres percevant des odeurs nauséabondes non perçues par l’entourage, d’autres encore se sont découverts des dons de testeur de vin égalant les « nez » des plus fins œnologues.

Les douleurs sont variables, influencées négativement par le froid (il existe d’ailleurs souvent une frilosité parfois très importante) et positivement par la chaleur.

Les douleurs sont souvent rebelles aux thérapeutiques antidouleurs habituelles (antalgiques, antiépileptiques, antidépresseurs) dont l’efficacité s’épuise vite. Elles résistent volontiers aux anesthésiques locaux (soins dentaires, infiltrations locales de stéroïdes).

L’hypermobilité et l’instabilité articulaires

C’est l’une des manifestations-phares du syndrome d’Ehlers-Danlos qui a contribué à sa notoriété surtout à travers les formes spectaculaires dans lesquelles les personnes peuvent toucher le sol, jambes tendues, avec la paume des mains, glisser un pied derrière la tête, sucer leur gros orteil, toucher le bord interne de leur avant-bras en retournant leur pouce, obtenir une extension complète des doigts, poignet en rectitude, exécuter une rotation totale du pouce sur son axe, faire le grand écart sans difficulté, etc.

Elle n’est pas toujours aussi marquée et surtout varie dans le temps. Elle a pu être importante dans l’enfance et être quasiment absente par la suite. Ceci ne doit pas faire récuser le diagnostic. Ce qui est important comme pour les autres manifestations du syndrome, c’est qu’à un moment donné de la vie de la personne, elle ait existé.

La scoliose est habituelle mais modérée et sans conséquence fonctionnelle. Les pieds plats également.

Les luxations et subluxations (épaules, doigts, coudes, genoux, hanches) et les « pseudo-entorses » sont fréquentes (l’étirement des ligaments ne permet pas leur rupture dans la majorité des cas).

La fréquence et la localisation des luxations et subluxations n’est pas strictement en rapport avec l’importance de l’hypermobilité.

La fatigue et le syndrome d’Ehlers-Danlos

La fatigue est avec la douleur le symptôme qui domine le syndrome et qui évolue de pair avec elle lors des crises. Elle est souvent présente dès le lever, plus marquée en fin de journée. Elle s’accentue à l’occasion d’accès qui peuvent se traduire par de la somnolence brutale. Elle crée un état de pénibilité dans tous les actes de la vie courante, majorée par les douleurs, les instabilités articulaires et l’essoufflement.

La peau et le syndrome d’Ehlers-Danlos

Les premiers descripteurs du syndrome d’Ehlers-Danlos ont été attirés par les signes cutanés. La peau est fine et translucide, fragile (elle se déchire facilement, laisse des marques d’appui importants). Elle est très souvent le siège d’ecchymoses « faciles » pour des traumatismes minimes, mais de survenues parfois à l’insu de la personne qui les découvre sur elle-même et n’a pas le souvenir d’un traumatisme. Ces ecchymoses sont un signe de fragilité capillaire et non pas de trouble de la crase sanguine.

Ces ecchymoses peuvent constituer de véritables hématomes sous-cutanés qui peuvent être importants. Ils s’accompagnent de saignements des gencives, du nez (épistaxis), mais aussi d’hémorragies urinaires, intestinales, bronchiques, de plaies sanglantes. Il peut en résulter une anémie ferriprive qui pourrait jouer un rôle dans la constitution de la fatigue.

Il faudra donc être mesuré dans l’usage de l’aspirine et des anti-inflammatoires.

La peau est souvent striée de vergetures aux fesses, au ventre, aux cuisses, aux seins ou au dos, même en l’absence de grossesses. Les hommes n’en sont pas exempts.

Les délais de cicatrisations sont longs, avec des lâchages de sutures, les cicatrices sont souvent de mauvaise qualité, volontiers pigmentées.

La peau est très étirable, de façon impressionnante dans de rares cas, mais le plus souvent ce signe est discret. Son absence ne doit pas faire écarter le diagnostic.

La couleur et la chaleur de la peau peuvent varier sous l’effet des troubles vasomoteurs qui font partie aussi du syndrome. Des œdèmes variables peuvent s’observer. La frilosité est fréquente. Diverses modifications d’aspect kystiques peuvent aussi apparaitre. La survenue de kystes synoviaux (au poignet surtout) est plus fréquente et surtout plus douloureuse.

Le nez peut être très souple, facile à « tordre », ainsi que les oreilles.

Cognition et syndrome d’Ehlers-Danlos

Troubles cognitifs touchant l’attention et la mémoire. Il y a aussi une perturbation importante de la perception du schéma corporal qui s’exprime par des épisodes de « déconnections sensorimotrices » pouvant intéresser une partie plus ou moins importante du corps (un ou deux membres par exemple) responsable de chutes par dérobement, de syndromes pseudo-paralytiques (ils déconcertent beaucoup les neurologues lorsqu’ils constatent que scanners et IRM sont muets), de « maladresses » avec chutes d’objets et difficulté d’exécution des taches pourtant simples, de heurts d’obstacles comme heurter le chambranle au passage d’une porte. Ces manifestations peuvent s’étendre à tout l’environnement proche qui est mal perçu, mal intégré et à l’origine de difficultés de repérage (pour garer une voiture par exemple, retrouver l’emplacement d’objets familiers).

Avec les douleurs et la fatigue, cette transformation du schéma corporal sont à l’origine de la plupart des situations de handicap rencontrées chez les personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos. Il existe une véritable dissociation entre le cerveau qui sait ce qu’il faut faire et un corps rebelle qui « n’obéit pas » et, parfois même perçu comme un « objet extérieur », voire un « robot ».

Les fonctions mentales, les performances scolaires sont bien souvent remarquables, malgré les absences et les difficultés liées à la fatigue et la douleur. L’imagination et la créativité de la pensée sont souvent marquées, ce qui rend le dialogue avec ces personnes très riche et très constructif.

Le sommeil peut être perturbé, malgré la fatigue de la journée, avec des difficultés d’endormissement, comme si le cerveau et donc la pensée, libérés des contraintes corporelles, poursuivaient leur activité, oubliant le besoin de repos de l’organisme.

Les manifestations respiratoires

Les manifestations respiratoires du syndrome d’Ehlers-Danlos sont pratiquement ignorées et pas ou mal connues des pneumologues.

On note fréquemment la notion de crise d’asthme.

On retrouve aussi:

– De l’essoufflement variable et pas toujours avec l’importance de l’effort en cause;

– Des « blocages » respiratoires très désagréables avec la sensation de ne pouvoir faire pénétrer l’air;

– Les bronchites sont fréquentes;

– Des atteintes des voies aériennes supérieures: rhinite, trachéite, toux, dont il faut rapprocher les troubles de la voix;

– Des douleurs thoraciques basses font évoquer une souffrance diaphragmatique, expliquant partiellement la gêne à l’inspiration.

Les troubles « neurovégétatifs », la frilosité

Troubles de thermorégulation: la frilosité est très fréquente, froideur des extrémités (pieds et mains parfois gelés), syndrome de Raynaud. Plus rarement c’est l’intolérance à une forte température avec sueurs. Mais aussi, troubles veineux avec des œdèmes, sécheresse oculaire, palpitations, variations du rythme cardiaque (bradycardie, épisodes de tachycardie), baisses de la pression artérielle, malaises ou réactions postprandial.

Ce qu’il n’y a pas

Il n’y a pas de paralysie mais les muscles fonctionnent dans de mauvaises conditions du fait de l’élasticité des tendons, des cloisons intermusculaires, de la mobilité excessive et des troubles proprioceptifs qui rendent le mouvement incertain et dispendieux en consommation d’énergie au niveau musculaire. Les nerfs superficiels, mal protégés par les parties molles « trop molles », sont menacés de compressions responsables de paralysies le plus souvent incomplètes, en tout cas transitoires.

Le système nerveux est préservé dans le syndrome d’Ehlers-Danlos, en tout cas il n’est pas le lieu d’atteintes primitives du fait du processus de la maladie. L’atteinte vasculaire seule pourrait être responsable de lésions neurologiques. A la réserve près que la neuropathie à petites fibres (NPF) est une caractéristique commune chez les patients atteints du syndrome d’Ehlers-Danlos. Dans la NPF, dont le diagnostic est établi par une biopsie cutanée, l’examen neurologique et l’électromyogramme standard sont normaux.

Le système osseux est préservé dans le syndrome d’Ehlers-Danlos. Les fractures sont exceptionnelles. Une réserve doit être faite pour le cartilage qui est du tissu conjonctif riche en collagène, ce qui peut jouer un rôle dans les douleurs thoraciques et les gênes respiratoires. L’arthrose est la plupart du temps absente.

Ce qui est important de savoir

  • C’est un diagnostic souvent difficile, surtout dans les formes frustes présentant des manifestations d’apparence banales (douleurs diffuses, fatigue, constipation…).
  • C’est un diagnostic encore trop souvent tardif par méconnaissance de la part du corps médical. Il se fait, trop souvent, seulement à l’adolescence ou à l’âge adulte (de 20 à 30 ans) devant, par exemple, l’échec d’une chirurgie ligamentaire (parfois répétée).
  • Il faut savoir que certaines manifestations présentes dans l’enfance peuvent avoir disparu ou fortement diminué (l’hypermobilité, par exemple, mais aussi les entorses, les chutes, les ecchymoses abondantes, les crises de pseudo asthme), à l’inverse, d’autres apparaissent plus tardivement au moment de l’adolescence ou à l’âge adulte, parfois après un traumatisme physique. Le rôle des traumatismes psychiques n’est pas facile à affirmer. En tout cas, il faut être prudent dans une affection que beaucoup de médecins ont tendance à « psychiatriser ». Ce qu’il convient de retenir pour le diagnostic, c’est que le signe a existé à un moment donné. Son atténuation ou sa disparition ne doit pas faire éliminer le diagnostic.
  • Il faut savoir aussi que la symptomatologie varie par « crises » et non des « poussées » (ce n’est pas une maladie dégénérative), sous l’influence de facteurs exogènes (climatiques, traumatiques) ou endogènes (facteurs hormonaux expliquant la majoration des symptômes à la puberté et après un accouchement, alors que les grossesses et l’allaitement peuvent s’accompagner d’une sédation importante des manifestations cliniques, de même l’influence du cycle hormonal). Les crises persistent plusieurs jours ou davantage. C’est le regroupement des symptômes et précisément cette évolution, en apparence « chaotique » qui est particulièrement évocateur. Certains décrivent ces patients comme « les intermittents du handicap« .
  • Ce syndrome est trop souvent relégué, dans l’esprit des médecins, au sein de l’appareil locomoteur alors qu’il s’agit d’une maladie diffuse du tissu conjonctif.
  • L’association de manifestations locomotrices, de douleurs, d’une fatigue et de manifestations digestives, cutanées, hémorragiques, cognitives, respiratoires ou urinaires devrait être un élément d’orientation diagnostique. En définitive, il y a trop de manifestations pour qu’elles n’aient pas une cause unique.
  • Insistons sur le fait que le diagnostic est relativement facile s’il s’inscrit dans un contexte familial, d’un ou plusieurs autres cas dans la famille.
  • Enfin, dans l’immense majorité des cas, le pronostic de ce syndrome est compatible avec une espérance de vie identique à celle de la population générale, à la réserve près des formes qualifiées de « vasculaires » avec la notion de complications artérielles (qui doivent être dépistées systématiquement) mais qui ne doit pas inutilement assombrir le pronostic de ce syndrome.

Certaines entités cliniques peuvent prêter à confusion

On ne saurait terminer sans évoquer certaines entités cliniques qui peuvent prêter à confusion et qui sont à dissocier du syndrome d’Ehlers-Danlos.

1- Le syndrome d’hypermobilité articulaire isolé est assez fréquent chez les personnes originaires de l’Afrique noire, du Maghreb ou de l’Océan indian mais aussi chez les européens. S’il est associé à d’autres éléments cliniques du syndrome d’Ehlers-Danlos, il peut s’agir alors de formes frustes du syndrome qui apparaissent plutôt comme une caractéristique morphologique sans conséquence pathologique.

Un cas particulier est celui d’une luxation récidivante de la hanche à la naissance qui doit faire évoquer le syndrome d’Ehlers-Danlos avec les incidences sur le choix de la thérapeutique qui incombe. Ce qui n’est pas facile.

2- La maladie ou syndrome de Marfan et les ostéogenèses imparfaites présentent des affinités avec le syndrome d’Ehlers-Danlos. Elles ont en commun l’hyperlaxité ligamentaire. Le premier est aussi une maladie génétique du tissu conjonctif qui, outre l’hyperlaxité, est responsable de modifications du cœur (valves cardiaques) et des gros vaisseaux (surtout l’aorte), d’une dysmorphie avec des membres particulièrement longs avec des doigts et les orteils anormalement longs et minces (arachnodactylie) et le sternum en creux ou en saillie.

Le second est caractérisé par des fractures fréquentes pour des traumatismes peu importants, ce qui a valu à ce syndrome le surnom de « maladie des os de verre », alors que dans le syndrome d’Ehlers-Danlos les fractures sont très rares malgré la fréquence des chutes.

3- Le syndrome des enfants battus ou des femmes battues pourrait être évoqué, à tort, devant un jeune enfant avec des luxations articulaires ou surtout des ecchymoses et hématomes multiples. Les conséquences, pour les parents, ou le conjoint, peuvent être lourdes.

4- La fibromyalgie dont les ressemblances de la symptomatologie incitent à toujours vérifier s’il ne s’agit pas, en fait, d’un syndrome authentique d’Ehlers-Danlos.

5- La neuropathie à petites fibres (NPF) est une cause reconnue de douleurs chroniques généralisées pour laquelle il existe des tests objectifs et des traitements. Elle a plusieurs symptômes en commun avec le syndrome d’Ehlers-Danlos ainsi que la fibromyalgie. En fait, la NPF est une caractéristique commune chez les patients atteints du syndrome

d’Ehlers-Danlos. Outre le fait que la NPF puisse causer des douleurs de toutes sortes et une extrême sensibilité au toucher, on y retrouve également les mêmes troubles neurovégétatifs vésicaux, digestifs, vasomoteurs, ainsi que des troubles cognitifs et sexuels rencontrés tant dans le syndrome d’Ehlers-Danlos que dans la fibromyalgie. A noter qu’environ 60% des patients souffrant de fibromyalgie ont une neuropathie à petites fibres, preuve objective d’un mécanisme à l’origine de cas de fibromyalgie. Ainsi, nombre de patients souffrant de douleurs chroniques étiquetées comme fibromyalgie ont en fait une neuropathie à petites fibres méconnue ou un syndrome d’Ehlers-Danlos. Les confusions sont fréquentes. La biopsie cutanée fait le diagnostic de NPF. Elle pourrait être considérée comme un outil de diagnostic supplémentaire pour enquêter sur les manifestations de la douleur dans le syndrome d’Ehlers-Danlos.

6- La slérose en plaque est un diagnostic parfois porté à tort devant un tableau de syndrome d’Ehlers-Danlos.

7- L’hypothyroïdie peut prêter à confusion devant la fatigue, les troubles cognitifs et les troubles du sommeil, devant les troubles des règles, la frilosité, les extrémités froides, les ecchymoses faciles, la constipation, une dysurie. Les douleurs musculo articulaires entrent parfaitement dans le tableau clinique d’une hypothyroïdie avec, sur le plan biologique, une anémie ferriprive, ici non due aux ecchymoses, alors que dans le syndrome d’Ehlers-Danlos elle est reliée aux hémorragies. Le dosage hormonal thyroïdien fera la part des choses, tout en sachant qu’une TSH normale n’exclut pas une hypothyroïdie, ce qui n’est pas pour arranger le diagnostic différentiel avec le syndrome d’Ehlers-Danlos, surtout dans ses formes frustes. Mais rien n’empêche de souffrir à la fois du syndrome d’Ehlers-Danlos et d’hypothyroïdie.

8- Confusion avec atteinte médullaire avec radiculite hyperalgique, confusion avec une dystrophie musculaire (myopathie), confusion avec une maladie de Lyme.

Conclusion

Le diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos est surtout un diagnostic d’interrogatoire. Le praticien doit d’abord écouter et accorder un crédit total aux symptômes et manifestations ressentis par son patient, même s’ils paraissent insolites dans leur expression, par leurs associations et par leur relative labilité, sans douter de l’organicité des troubles.

Le syndrome d’Ehlers-Danlos n’est pas une maladie évolutive. C’est un état constitutionnel particulier du tissu conjonctif de soutien qui expose à des manifestations pénibles et/ou handicapantes. L’hypermobilité se réduit avec l’âge.

Du fait de la méconnaissance de ce syndrome, la présomption de bénignité est profondément ancrée dans les croyances médicales qui ont cours aujourd’hui. Quand on écoute ceux qui en sont atteints et le récit de leurs souffrances souvent intolérables dont ils sont affligés, mal soulagées par les antalgiques les plus puissants, on mesure le fossé qui sépare les connaissances et la perception médicale du syndrome de la dure réalité que vivent au quotidien les patients.

Le syndrome d’Ehlers-Danlos est curable, au moins partiellement, au niveau de ses conséquences. Il y a des traitements qui relèvent principalement de la Médecine Physique. D’autres, médicamenteux, à visée immunostimulante, permettent de soulager les douleurs chroniques et d’améliorer l’état fonctionnel

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